Pourquoi est-ce si important de collecter la mémoire des habitants ? Parce qu’ils sont les témoins vivants d’un passé révolu. Les faire parler, c’est donner vie aux pages de nos livres d’Histoire. Je recueille et retranscris leurs récits avec passion et émotion
Partir d’une page blanche et avoir tout à découvrir. Chaque recueil de la mémoire des habitants d’une commune démarre ainsi. Je ne connais rien ou presque de l’histoire de la commune, j’ai tout à apprendre de la bouche des témoins que je vais rencontrer au cours de mes mois d’immersion au service de la transmission. Et chaque fois, c’est une révélation : j’aborde chaque entretien avec excitation et j’en ressors pleine d’émotions. A la rencontre de familles parfois implantées dans le village depuis plusieurs générations, je remonte avec elles le fil de leurs souvenirs.
Des souvenirs remontant à l’Occupation
Les plus anciens me ramènent à l’Occupation allemande : un trésor, car ils sont peu nombreux à pouvoir encore la conter. « Je suis né en 1940, c’est d’ailleurs un Allemand qui m’a probablement coupé les cheveux pour la première fois, sourit Jean. Ils n’étaient pas méchants, au contraire. Ils revenaient de Russie, ils en avaient bavé, ils commençaient même à en avoir marre de la guerre. » Les anecdotes fusent : « Ils avaient leur quartier général en face de chez nous : dès qu’ils s’absentaient pour la levée des couleurs, avec le fils de l’instituteur, on allait leur faucher les mottes de beurre… ». Lui n’était qu’un enfant, eux n’étaient que des hommes…
Ces images, ces gestes, ces odeurs et ces goûts, encore si présents dans son esprit, doivent être transmis. Car ils sont le reflet de la vie d’autrefois, si différente de celle d’aujourd’hui. Et l’on a tant besoin de savoir d’où l’on vient…
Chaque témoignage est universel
Surtout, inviter ces hommes et ces femmes à se raconter, c’est retrouver l’humanité cachée dans les pages de nos livres d’Histoire. Saviez-vous que longtemps, l’enseignement fut dispensé dans les écoles par des couples d’instituteurs ? Elle s’occupait des plus jeunes tandis que lui préparait les aînés au certificat d’études, avec la sévérité qui le caractérisait. Le soir, il y avait les veillées en famille ou entre voisins au coin du feu, quand la télé n’avait pas encore débarqué dans les foyers. L’entraide, la solidarité était une règle dans les campagnes, notamment pendant les moissons ou les vendanges.
Le film de leur époque défile sous mes yeux. Retranscrire leurs mots, c’est offrir aux lecteurs le plaisir de voir ces scènes, de vibrer avec eux. Chaque témoignage prend une dimension universelle dès lors que l’on peut s’identifier. Jean aurait pu être votre grand-père, ou bien votre père… Lui et nous avons tant à partager !